Souvenirs de la Mamé Rigal

Publié le par Christian Talon


 

 

 

Mémoire écrite de la « Mamé Rigal ».

 

 

Ecrits d’une mamé courriole…

… ou mémoire de Courry avant la guerre de 1914

 

Mamé Rigal

 

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Eudoxie Rigal plus connue sous le surnom de « Docie »

 

En 1976 et 1977, à la demande de l’association Font-Vive, j’avais organisé une enquête sur la tradition orale auprès des anciens du village de Courry. Le thème retenu avait pour fil conducteur la vie des paysans avant 1914.

  

La méthode consistait à cibler les personnes qui avaient vécu la majeure partie de leur vie, dans le village, et consentante pour se prêter à cet exercice. Pour les guider, je leur avais fourni la trame d’un écrit avec des idées clés, un stylo et un cahier.

  

Sur les huit informatrices sélectionnées, une seule m’a restitué un cahier avec des annotations. Cet exploit a été réalisé par la mamé Rigal, qui portait le nom d’Eudoxie Rigal, mieux connue sous le surnom de « Docie » à Courry.

  

Ce document, à mon avis, reste une valeur inestimable. Une « mamé » qui, hélas, avait connu une courte scolarité. Malgré cela, elle avait osé écrire quelques souvenirs dans une écriture parfaitement lisible.

  

Sa main a transcrit sa pensée, directe, dans un langage simple avec parfois une pointe d’humour mélangée au dialecte local. Cette sensibilité reste typique des cévenols, qui vécurent toute leur vie dans une terre ingrate mais en symbiose avec la nature.

  

« Docie », pour laquelle j’avais une grande admiration. Elle s’était dépassée pour me faire plaisir. Ce manuscrit, je l’ai conservé « secret » pendant des années.

  

Un jour, je lui avais posée la question : « Me permettez-vous de faire lire ce cahier ? ». Elle m’avait répondu, de sa petite voix aiguë et rapide : « Les anciens, comme moi, ont connu cette vie dure. Les jeunes… Il faut qu’ils sachent. Il ne faut pas souhaiter que ces années reviennent et pourtant nous

étions heureux ! ».

 

A tous les jeunes et moins jeunes, je communique ce document inédit en respect pour la mémoire de « Docie ». Cette paysanne n’était pas une « savantas » (savante) mais pour la postérité elle nous a transmis des fragments de ses souvenirs.

 

D’un visage arrondi enfermé dans un « fichu » (foulard) et le corps ceinturé d’un « fandaou » (tablier), nous garderons l’image de son sourire. D’un cahier d’écolier nous conserverons une bribe d’autobiographie. Tous ces éléments ont gravé une silhouette… Celle de la « Mamé Rigal ».

Suit la copie textuelle du manuscrit (fautes d’orthographe, ponctuation…). Pour une meilleure compréhension, vous trouverez, entre parenthèses, la traduction des formes dialectologiques en caractères italiques.

 

Christian Talon (Courry-2010)

 

Copie du manuscrit de Madame Eudoxie Rigal :

 

« Ici c’est la commune de Courry.

Le travail à mon époque cela commencait quand on avait 12 ou 13 ans. On allait plus à l’école. On allait garder les chèvres. Cela faisait un apport à la maison les garçons faisait pareil. Puis quand on était un peu plus grand, les filles à la filature ou les garçons à la mine et à pied c’était l’époque on menait la vie pénible.

 

Le travail de la terre c’était pour le paysan les semences le blé l’avoine et les pommes de terre puis tailler les arbres, les châtaigniers les vignes les mûriers, à ce moment là on faisait des vers à soie une récolte qui était très aléatoire si cela marchait bien on avait vite de l’argent une période d’un mois seulement, puis les vendanges qui durait 7 à 8 jours Courry ce n’est pas un grand pays vignoble, ensuite les châtaignes qu’il fallait ramasser bien comme il faut et cela durait un bon mois et un peu plus on portait les châtaignes au marché de St Ambroix et puis encore au séchoir c’est-à-dire à la clédo une pièce exprès on faisait un bon feu au milieu pour qu’elles sèche le plafond c’était des petits chevrons qu’on prenait dans la propriété sans les acheter une fois sèches on les trier les bonnes pour vendre faire du cousina (plat traditionnel à base de châtaignes sèches et de lait de chèvre)qui était très bon avec du lait un genre de soupe les mauvaises elles étaient pour le bétail les chèvres et pour les cochons à ce moment là dans chaque maison on élevait un cochon pour avoir des provisions pour une partie de l’année, on allait à la viande une fois par semaine et encore pas toujours on avait des poules des lapins, cela faisait une économie.

 

Pour les outils qu’on se servait de ce temps là le paysan avait une simple charrue, une araïre (charrue primitive) une hersso (herse) un bichard (houe à deux pointes) une piolo (hache) un sécatur (sécateur )un poudet (couteau, en forme de S, principalement utilisé pour couper le raisin) et une pigasso (outil, avec un manche et deux lames tranchantes opposées, utilisé pour nettoyer les rejetons aux pieds des châtaigniers) une daïlho ( faux) pour mesurer les châtaignes il y avait un double décalitre qui pesait 13 kgs et un demi double c’était les deux mesures et pour peser c’était un poids mais pas comme maintenant il fallait souvent être 2 pour peser. Le nom des châtaigniers ou ils se trouvaient la boite, le planas, la valette les lioures les vignasses les fontlongues (noms de lieux) et montagnac.

 

Maintenant passons aux naissances. Quand il arrivait une naissance le premier mot c’était de demander si c’était un petit garçon un droulé ou une petite fille une droulette et on disait qué lou bon Diou lou conservé (que le bon Dieu le conserve) puis pour l’habiller : une camisette (petite chemise) un drapé une bourrasso (grand carré de tissu , genre boutis, qui servait à protéger le bébé) maolloüo (maillot) une brassiéro (brassière) et une pounchetto (couche en forme de triangle) et une couïffetto (petit bonnet entouré de dentelles) mais il fallait le double de ça et encore plus. Puis pour l’accouchement c’était une sage-femme tout simplement et des fois des bonnes femmes du village et ça marchait quand même pour coucher le petit enfant on se servait d’une bressolo (lit à bascule bien connu en Cévennes) qui était en bois avec des barreaux et quatre pieds appuyés sur un bois qui était courbé pour pouvoir bercer il y en avait qui avait une tringle pour pouvoir mettre un voile pour préserver des moustiques ou des mouches et puis au petit berceau ou bressolo on mettait une médaille porte bonheur l’enfant était bâptisé 7 à 8 jours après la naissance comme cadeau on faisait pas comme aujourd’hui des fois des petites robes ou un joli bavoir bien brodé c’était des petites choses utiles pour l’habillement et le repas se faisait le jour du bâptème et le menu c’était souvent ce qu’on avait à la maison saucisson, lapin et une poule et puis on avait le fromage c’était le vrai repas maison. Et comme dessert crème ou beignets les noms des fillettes Clémence Hortense Pauline Félicie Lénaïde aux petits garçons Félix Adolphe Félicien Arsène Marius Josué. Puis pour marcher. Fouopas courré avant dé marcha (Il ne faut pas courir avant de marcher) pour dormi dueï mon droulé que saras bien bravet (pour dormir aujourd’hui mon enfant tu seras bien gentil).

 

Pour les apprendre a marcher on leur prenait les mains sous leurs bras et un pitcho vité qué n’as fa dous (et un petit… vite que tu en as fait deux).

 

Pour les amuser tout petit un hochet un brandaïre (jouet à secouer) un peu plus grand on mettait le bébé à cheval sur les genoux et on les baisser un peu en bas et un peu en haut et on disait : tiro la resso jan vidaou tiro la tu que sies pu naou la traïmpo es bouono lou vi es millou tiro la resso mou compagnou. ça veut dire. Tire la scie Jean Vidal tire la toi qui es plus haut la piquette est bonne le vin est meilleur tire la scie mon compagnon

 

Pour les dents des enfants il n’y avait pas grand-chose quand ils en souffraient pour percer et puis plus tard quand elles se gâtaient les dents de lait quand elles tombés on les plaçait dans un mur soi disant qu’il fallait les placer pour les autres qu’elles soient plus solides qu’il fallait pas que rien les mange les mettre a un endroit que rien ne les mange pas et puis plus tard quand les dents se gâtaient les enfants souffraient aussi on n’allait pas au dentiste comme maintenant.

Puis les habits même que ce soit les garçons portaient des robes qu’ils étaient assez grands puis une culotte et une blouse noire. Souvent avec des piqures et des boutons rouges, des fandos (blouses) des brayettos (petites culottes) des berrets (bérets) pour des sornettes on les inventait souvent on leur chantait pour apprendre à parler et à compter ça leur venait un peu après l’autre quand ils étaient un peu plus grand 3 ou quatre ans on leur disait la ronde du couvent Paulinette y est dedans mange sa soupette sur une tablette va chercher pour lui faire place va chercher le ramoneur pour lui faire peur ou bien il pleut bergère ou à la ronde du muguet.

Pour les jeux les fillettes c’était une poupée un ménage des balles et pour les garçons il fallait des billes, des frondes des fifres que les parents fabriquaient avec un bouscas (arbre non greffé) de châtaignier puis avec une ficelle ils faisaient tourner une toupie

 

A l’âge de cinq ans les enfants allaient à l’école mais pas comme maintenant il y en avait beaucoup que lorsqu’ils savaient un peu écrire ou à compter les parents les prenaient chez eux vers une dizaine d’années ils quittaient l’école et on les faisait travailler ; comme occupation garder les chèvres souvent, ramasser les châtaignes et pour les encourager on leur disait que s’ils en ramasser beaucoup les sous seraient pour eux puis encore un peu il y avait les olives les enfants étaient souvent occupés à du travail pour leur âge mais que ce soit les filles ou les garçons tous s’entendaient bien entre eux pour leurs jeux ou leur promenade et ils s’amusaient tous bien sagement. Puis plus tard quand les garçons étaient conscrits c’était un peu plus vivant quand ils revenaient de St Ambroix de passer le conseil ils mettaient des cocardes à la boutonnière des foulards un peu voyant des bérets souvent rouges et ils faisaient la farandole et chantaient. les jeunes enfants allaient après eux cela les amusait et cela réveillait la commune.

Puis venait le temps sérieux un jeune homme quand il sortait avec une fille on le voyait déjà fiancé mais pas du tout les parents se renseigner et s’occuper de la situation de la fille ou du jeune homme c’était pas comme aujourd’hui. Mais quand même un garçon avec un fille se fréquenter assez longtemps c’était des mariages sérieux pas de cérémonie pour les fiançailles mais quand même quand c’était pour se marier les parents de l’un ou l’autre venaient à la maison pour décider et s’entendre pour fixer le mariage l’invitation à la noce et la cérémonie à l’église. Souvent le repas se faisait à la maison de la jeune fille mais pas trop compliqué La veille le mai (arbre :pin adulte coupé et fleuri artificiellement) se plantait chez le jeune homme et les jeunes buvaient quelques bonnes bouteilles ils étaient heureux

 

Chez les jeunes filles. Les filles du quartier faisaient un arc de triomphe c’était des guirlandes autour d’un portail avec des roses blanches dans les maisons de Courry il y avait une basse cour et un portail ce jour là il était bien enguirlandé

 

Puis le garçon ou la fille qui auraient voulu pour eux la fiancée ou le novi (fiancé ou nouveau marié) étaient un peu froissés. Puis c’était la préparation pour le jour du mariage les parents et les invités

 

Le cortège partait de la maison de la fille on allait à la mairie puis à l’église se placer les jeunes enfants s’il y en avait puis la demoiselle et le garçon d’honneur les autres couples jeunes puis les parents la fille était conduite par son père et la maman menait le fiancé puis à la sortie de l’église ils se retrouvaient heureux.

 

Le novi (le marié) en costume noir. Joli cravate bien chaussé la novie (la mariée) une jolie robe un peu longue ce temps là une jolie couronne d’oranger sur son voile et une jolie guirlande qui descendait jusqu’à la taille des jolies fleurettes et la couronne et la guirlande étaient placées dans un globe sur un joli écrin rouge ainsi que les boucles d’oreilles et le bouquet de la mariée tout ça se conservait assez longtemps

 

Le long du parcours rien d’anormal les enfants couraient pour ramasser des dragées et les grandes personnes regardaient les toilettes des uns et des autres tout se passait dans le grand calme

 

Le marié s’appelait Gustou et la cavalière s’appelait souvent Mélanie ou Célino

Le repas se faisait à Courry et ce jour là il n’y avait pas de hors d’œuvre pas de roulé le plus souvent et qui était le plat du jour c’était de la tête de veau, du lapin civet une volaille fromage maison de chèvre le roquefort était rare et cher à ce moment là le plateau de fromage n’existait pas. Mais quand même on avait du lait de nos cabros (chèvres) on faisait de la crème ou des beignets ou des fruits

 

Puis chacun disait sa chansonnette ou une petite histoire un peu rigolote. Ce jour là s’était très bien on s’amusait

 

Puis le soir il fallait chercher les novis (les mariés) dans les maisons voisines ou chez des amis et porter pas le chocolat mais une aïgo bulido (eau bouillie) salée et poivré

Mais tout cela allait bien mais il fallait se remettre au travail. La femme s’occupait de la cuisine et de la basse-cour les hommes aux travaux des champs. Dans toutes les maisons de Courry il y avait des cheminées à bois et pour faire la soupe on mettait la marmite en fonte ou en émail suspendue à la crémaillère et on se servait pour faire les ragouts d’une casseïrola une casserolle ou une padélo une poële et pour le café un toupi un pöt en terre qu’on mettait devant le feu pour bouillir on mettait le café dedans et on attendait qu’il soit reposé au font du pôt pour le boire pas de cafetière électrique bon à la basse-cour il y avait des poules des lapins des chèvres qu’il fallait traire et soigner tout ce bétail et presque toutes les maisons il y avait un cochon qui faisait la provision de l’année du lard, des saucisses du saucisson de la graisse on allait à la boucherie une fois par semaine le samedi pour le dimanche voila la cuisinière maintenant les hommes à la maison quand il y avait un fils il aidait au père à faire le travail des champs labourer semer piocher tailler les arbres les moissons et les foins le travail des hommes était aussi bien pénible mais toute la maisonnée avait besoin de travailler pour arriver et fournir le nécessaire de la maison

 

Quand il y avait plusieurs enfants alors le père de famille arrangeait ses enfants en leur donnant leur part de terre ou de maison c’était le partage. Il le fallait pour les mettre tous à l’aise pour travailler leur part et arriver à leur besoin. Pour les paysans leurs outils de travail c’était d’abord un bichard (houe à deux pointes) un araïre (charrue primitive) une piolo (hache) une daïlho (faux) uno carreto (charrette) et comme bête au travail un cheval ou un mulet ou une miaulo et des fois on avait la bête à demi une semaine chacun on s’entendait

 

Puis il y avait la récolte des vers-à-soie qui aidait à la maison quand ils réussissaient les cocons cela faisait un bon apport, les magnaou (vers à soie)

 

Les hommes pour travailler portaient des culottes de velours et même la veste l’hiver et l’été du coutil (vêtement en tissu brut de coton) le dimanche c’était mieux un costume avec la chemise amidoné et une jolie cravate et les hommes d’un certain age portaient une blouse bleu et un pantalon en velours, les femmes des jupes longues froncées à la taille et un corsage qui pincé était bien un avec des revers en moire ou en dentelle et puis un chapeau avec des fleurs

Pour les repas pas toujours à l’heure encore l’hiver mais l’été on n’avait pas d’heure fixe parce qu’il y avait plus du travail puis il ne faisait pas nuit

 

Avant 1914 pour mesurer on avait pour mesurer le blé les châtaignes l’avoine l’orge le décalitre et le double décalitre pour peser une coupelle qui marquait 15 ou 20 kgs puis il y avait un gros poids qui allait jusqu’à 100 kgs il n’y avait pas de bascule.

 

Dans le village de Courry la viande des moutou (moutons) des biouo (bœufs) des védel (veaux) des légumes in salado (des légumes en salade) des tartifles (pommes de terre) des pouoris ( poireaux) des sebos (oignons) des faviouos (haricots) des cerieiro (cerises) des rasins (raisins) d’aouberjo (pêches) des prunos (prunes) des majoufo (fraises) des patisseries des bougnétos (taches d’huile, se dit aussi pour désigner une pâtisserie traditionnelle de Noël)) des crémo (crèmes), des pan perdu (pain perdu) les bougnétos éro (étaient) a la Noël des farines d’iouo (œufs) des sucres des vanillo la crème dès la d’iouo (œufs) et dés sucre lous blancs mounta en néou (les blancs montés en neige) et dessus des caramel (du caramel) lou pan perdu (le pain perdu) on lou trempavo din des la (on le trempe dans du lait) on lou mettié à la padélo et on sucravo (on le met dans la poêle et on sucre).

 

Les boissons c’était le café ou les infusions thé, verveine, tilleul, orangé, élisse les boissons alcoolisés il fallait macérer comme du tilleul les fleurs dans l’eau de vie trempées longtemps filtrées et sucré donnait une bonne liqueur. Les achats au marché à St Ambroix c’était plutôt pour l’étoffe ou des chaussures et même il fallait bien un peu de ravitaillement du sucre du savon des légumes un peu pour le ménage mais on y allait aussi pour vendre les châtaignes pour les mesurer on se servait du décalitre qui paisait 13 kgs on y achetait aussi des cochons, des chèvres surtout pour le bétail il y avait des foires. Le sac à 2 poches on appelait des sacochos (sacoches) d’un coté on mettait la bouteille et de l’autre poche le pain et la pitance la biasso (ensemble des aliments).

 

Les femmes pour aller à Molières vendre les fromages lous pélardous (fromages de chèvre) avaient un panier avec une anse qui se portait au bras et qu’on pouvait mettre sur la tête avec un coussinet qu’on appelait un cassaou on vendait aussi des fruits des cerises du raisin des prunes des champignons des œufs des lapins des volailles

 

Dans l’année il y avait dans la famille plusieurs fêtes une naissance la première communion et les fêtes de l’année Noël Pâques et d’autres. Puis au mois de septembre il y avait la fête votive la voto (fête des vœux) elle était importante à cette époque là beaucoup de jeunesse garçons et filles la veille les votiers parcouraient le village en musique le lendemain la distribution des gâteaux et puis surtout le bal c’était à peu près la dernière vote des alentours aussi il y avait du monde au café de Courry ce temps là il y avait 3 alors c’était les boules les quilles et le lundi le concours de boule du village de Courry jusqu’au Réboulet et la fête continuait le bal et les chansons puis il y avait des carabassaïre (forains, vendeurs de pralines) on faisait gagner des verres à pied garnis de pralines sortes de gros bombons rouge et bleu et puis c’était (un chant traditionnel)

 

Quant aven tout acaba (quand nous avons tout achevé)

Fume la pipo Fume la pipo (fume la pipe, fume la pipe)

Quant aven tout acaba (quand nous avons tout achevé)

Fume la pipo sans taba (fume la pipe sans tabac)

C’était le moment de le dire et tout c’était bien passé

 

Pour les morts c’est pas pareil

Quand on savait quelqu’un de malade les voisins surtout se prêtaient pour aider pas a soigner mais passer la nuit aider les parents a ce qu’on pouvait être utile

Le deuil se portait presque trop sévère les femmes supposons une maman qui meure la fille portait le noir tout a fait robe chapeau avec voile en crêpe jusqu’au chaussure et pour les grands-mères aussi les enfants portaient du noir C’était presque trop à côté d’aujourd’hui et le deuil durait au moins 2 ans au moins les hommes avaient un brassard à la manche de la veste

Les maisons de Courry les vieilles sont faites avec les pierres et la chaux qu’on faisait au pays alors il y a la cuisino (cuisine) las chambros (les chambres) la magnassièro (magnanerie :pièce où on élevait les vers à soie) lou payé (lieu où l’on stockait la paille,le foin séché, souvent dans les greniers) la cavo (la cave) et lous establés (les étables) Au mur il y avait dans la cuisine un estagnié (récipient métallique destiné à ranger les couverts en étain ) pour placer les cueillères et fourchettes en étain et qu’on faisait briller avec de l’herbe qu’on allait chercher en Fonlongue qu’on appelait des cassouodo ( prêle) puis une table des chaises on mettait le sel dans un salaïrou (boite à sel) en bois une lampe à pétrole, à essence et le lun (éclairage) huile la lanterno (lanterne) qui servait à aller aux écuries la lampe lou lun à huile s’appelait lou chalun (prononcer « calun » lampe à huile)

 

Les quartiers du village sont nombreux et les noms aussi. Les châtaigniers il y a lous prumièrens (premières), lous daoufinen (dauphines), las pélégrinos (pélégrines) une fois sèches les châtaignes on le faisait sécher à la clédo (clède) en un boun brasaou (un bon feu de braises) puis au moulin les décortiquées on faisait la soupe le bajana (soupe de châtaignes) qui était bon

La vigne donne assez de peine il faut labourer d’abord la tailler la sulfaté soufré et cela plusieurs fois pour cueillir les raisins on avait des cornudos (bennes à vendange) ou assémaou (demi-tonneau, en bois, où l’on « foulait » (écrasait) les grappes, pieds nus ou à l’aide d’un pilon, pour préparer le vin en petites quantités) pour couper le raisin un poudet (couteau en forme de S pour couper le raisin)

 

L’olivier s’appeler en patois l’aoulivié las aoulivos (olives) c’est du travail avec le froid On porte les olives à St Sauveur de Cruzières pour l’huile qu’on avait des bidons de 5 ou 10 litres

Les terres ou on cultive le blé c’est aux Viratelles au Devès et en Fontlongue (noms de lieux) presque à St Brès pour le couper on avait un boulon (faucille à main).

 

La cave de St Paul pour le vin s’est ouverte en 1928 les paysans de Courry allaient en charrette porter les raisins à St Paul. Pour faire le vin. Vin de noix on mettait 5 litres ou 10 au choix dans une bonbonne puis un nombre impair de noix mais au moins 25 noix qu’on laissait macérer pendant au moins 1 mois et plus en ajoutant du sucre et un peu d’eau de vie

 

Les dictons

Per Pentécousto lou pastré saouto lou cerière gousto

(Pour Pentecôte le berger saute, les cerises il goûte)

Terre négro faï bouon bla

(Terre noire fait du bon blé)

Pléio del mes d’aôus faï tout oli ou tou mous

(Pluie du mois d’août fait toute l’huile ou tout le moût, de raisin).

Per St Marti tasto toun vi boucho lou et tapo li

(Pour la St. Martin, goûte ton vin, bouchonne le et tape le).

A la Madéléno la nousé pleino lou rasin veïra lou bla caouca et la païllo al pousta

(A la Madeleine les noix sont pleines, le raisin verra battre le blé et la paille au grenier).

Té réjués pas de moun doou qu’on lou miou saro viel lou tiou saro nooû

(Ne te réjouis pas de mon dos quand le mien sera vieux le tient sera neuf).

L’aïgo que courré s’attrapo pas al mouré

(L’eau qui court ne s’attrape pas à la bouche).

Ludo marudo fille barbudo des 100 en 100 ans nio prou en d’une

(Lune rousse fille barbue de 100 en 100 ans il y en a assez avec une).

Roujé del mati des pleïo en camin

(Rouge du matin la pluie est en chemin)

Al mes des maï vaï coumo te plaï et encoro noun saï

(Au mois de mai va comme il te plait et encore si tu le sais)

Dé lentillos des fillos et de pan caou es la ruino dès l’estaou

(Des lentilles, des filles et du pain cela est la ruine de la maison)

Revenons sur le blé que je n’ai pas dit on le dépiquer caouqué (opération de séparation des grains de blé et de la paille) sur une aïro en peïro (aire en pierre) ou des terres bien duro (dures) qu’on aplatissié al rouléo (que l’on aplatissait avec un rouleau en pierre ou en bois) qué l’on servié per caouca (le même rouleau qui servait à dépiquer) y avié la farine per faïre lou pan de l’estaou (il y avait la farine pour faire le pain de la maison) on la fasié al four de la Croux parsé qué on éro des Plots (on faisait le pain au four de la Croix des parens parce que nous étions des Plots) on fasié des fougasso des panettes un paou bélos mais à Courry on fasié pas dés pan des séjou (nous faisions des fougasses, des pains un peu gros. Mais à Courry on ne faisait pas de pain de seigle).

 

Maintenant une histoire en patois. Un jour y avié une fillo d’un villagé encaro maï din la montagno qu’a Courry ero une bravo fillo naïvo mais la bravoure mêmo. Anavo se confessa et sans saouta un péca, alors dimenché mon péro faguéré un dourlet et lou confessur comprengué un droulé Malheureuse et qu’est-ce que tu en a fait ? Mais mon Péro un dourlet à mon cotillou c’était un ourlet à son jupon

(… Un jour il y avait une fille d’un village encore beaucoup plus dans la montagne que Courry elle était une gentille fille naïve mais la bravoure même. Elle est allée se confesser et sans sauter un pécher. Alors dimanche mon père j’ai fait un ourlet et le confesseur a compris un enfant- un droulet -. Malheureuse, qu’est ce que tu en as fait ? Mais mon père un ourlet à mon jupon…).

 

Puis une autre fois il y avait un petit garçon qui n’était jamais allé à la messe alors quand il est revenu de l’église son père lui dit : Eh bé Marcellou coumo las attrapado la messo ? Oh mon péro aval d’une pouorto au sorti un bel omo en d’uno bello camiso et un troupel des Chamisardous alors y en avié un d’aqueles drolé qué pourtavo un bésatier un bénitier et aquel bel chamisardas avié un bastou et passavo per la gleïso et disé t’en fouté t’en fouté (c’était l’aspersion de l’eau bénite) et piéi digué béléou des priéros piéi mounté din qu’une bouto (la chaire) et s’inquiétavo en dé sous bras iéou aviéi poouoet mé sarravé préché ma méro et bé y vooü pas plus à la messo moun père ».

(… Alors petit Marcel comme tu as trouvé cette messe ? Oh mon père de là-bas d’une porte il est sorti un grand homme avec une belle chemise et un troupeau d’enfants de cœur alors il y avait un de ces enfants qui portait un bénitier et celui qui avait la grande chemise avait un bâton et il passait à travers l’église et il disait je t’en mets, je t’en mets… et puis il a dit peut-être des prières, puis il est monté dans un tonneau – la chaire - et il s’énervait avec ses bras, moi j’avais peur, je me serrais près de ma mère et alors je ne vais plus à la messe mon père…).

 

Cinq pages du cahier restèrent vierges. Sur le dernier feuillet une mention :

« Pas bien écrit et des fautes c’est une vieille grand-mère de 80 ans et qui a fait beaucoup de fautes elle a oublié l’orthographe ».

Fin de citation du manuscrit de madame Eudoxie Rigal.

  Pour une meilleure compréhension des textes, en écriture italique, vous trouverez les traductions  du dialecte patois réalisées par Christian Talon. 

 

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Madame Rigal... Une cévenole... Une courriole... Une vraie... Hiver 1978.

Publié dans Histoire Courry 30

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L
Bonjour Christian. Très émouvant. Effectivement, cela donne envie de questionner ses grands parents. Mais d'ici ou d ailleurs, le monde paysan de cette génération se raconte presque pareil je pense. Amitiés. samuel
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